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mercredi 22 février 2012

Madame Butterfly au Bayerische Staatsoper: Roberto Alagna triomphe des poussières de la mise en scène

Madama Butterfly: Ensemble
Photos de l'opéra: Wilfried Hösl 
Il faut tout le talent de grands chanteurs et l'extraordinaire qualité de l'orchestre national bavarois pour donner vie à une mise en scène empoussiérée par quatre décennies de conventionalisme . Les clichés du Japon traditionnel sont au rendez-vous du Bayerische Staatsoper depuis 39 ans: la mise en scène de Wolf Busse et les décors d'Otto Stich représentent un pont japonais en forme de dos d'âne qui enjambe une pièce d'eau ou un ruisseau où l'on imagine que circulent des koïs, une maison à la double toiture de tuiles aux bords ourlés, des pièces Washitsu couvertes de tatamis et séparées par des cloisons Shoji, qui présenteront les tout aussi traditionnels signes d'usures et de déchirures au deuxième acte, et un fond de scène hâtivement peint sensé représenter, selon les préceptes et les conventions de la peinture à l'encre de Chine, un paysage de collines déchirées. Traditionnels aussi les kimonos et les costumes d'officier marin, traditionnelles encore les figures imposées de la gestuelle. Le pudique suicide de Cio-Cio San en ombre chinoise derrière un paravent reste une solution scénique mortelle...d'ennui.

Madama Butterfly: Svetla Vassileva, Roberto Alagna
Svetla Vassileva et Roberto Alagna
Visuellement, le casting renforce le cliché. On ne se plaindra cependant pas que la soprano bulgare Svetla Vassileva soit ravissante en geisha revêtue d'un kimono qui selon les lumières évolue du rose orangé à l'orangé mandarine et revête l'apparence de la poupée de porcelaine avec la maîtrise d'une excellente comédienne. Le ténor franco-italien Roberto Alagna a parfaitement le physique du rôle d'un officier macho, avec des pectoraux et des biceps joliment développés qui permettent que la mise en scène lui fasse par deux fois tomber la veste pour faire valoir son torse bien moulé dans un T-shirt blanc du plus bel effet. Et ses cheveux portés longs soulignent la douceur enjouée de son visage de joli garçon. A la fin de la scène nuptiale, il se saisira de la jeune épousée pour lui faire franchir le seuil fatal à bras portants. Le public ne peut que se réjouir de voir qu'un homme de 48 ans se maintienne aussi bien en forme pour jouer un rôle de jeune premier. 

Photo Luclebelge
Il n'empêche que le Bayerische Staatsoper pourrait se donner les moyens d'une nouvelle mise en scène. Si, en ce concerne les mises  en scène les plus anciennes de la Maison,  la rénovation des décors et des costumes du Rosenkavalier de Jürgen Rose se justifiait pleinement tant ils sont réussis, il faut espérer pour bientôt une nouvelle lecture de Butterfly et une vente des costumes, qui trouveront facilement preneurs. Les badauds qui se pressaient hier au Viktualienmarkt ont pu rencontrer de nombreux officiers de marine et même un exceptionnel travesti de Butterfly accompagné de son rutilant Pinkerton (photo ci-contre). 

Autant pour la production...Reste, Gott sei dank, la musique. Le Bayerische Staatsorchester et les choeurs dirigés par Stefano Ranzani font honneur à la belle partition de Puccini, avec une mention toute particulière pour l'enchantement procuré par les chaleurs sombres des instruments à vent. Les chanteurs sont de bonne venue. Un Roberto Alagna convaincant de machisme porte tout le premier acte avec fougue et vigueur et cette puissance dramatique vocale impressionnante qui le caractérise. Avec aussi cette technique remarquable qui ne laisse rien au hasard, et qui laisse le public pantois: on reste suspendu à ses lèvres dans le travail sur le souffle, sur le phrasé, et on a le coeur serré quand il lance ses bémols.  On est stupéfait quand il passe sans problème les cuivres. Alagna parvient à donner l'impression du naturel, on est vraiment en présence d'un jeune officier à l'égoïsme triomphant, mais il s'agit d'un chanteur de la maturité qui récolte les fruits d'un énorme travail vocal et scénique. Au final, il rend également à la perfection la palette des émotions et des défauts de Pinkerton, de la veulerie au repentir.

Une excellente Svetla Vassileva ne parvient cependant pas à maintenir la tension du premier acte qu'avait su insuffler Roberto Alagna. Elle a toute la délicatesse, le charme et la nuance voulus pour incarner Cio-Cio San, mais donne une prestation par trop retenue. La première partie du Un bel di vedremo est sans doute nuancée, avec un phrasé délicat, mais elle manque d'éclat. Elle accède cependant ensuite à une indéniable vigueur. Franco Vassalo donne un très beau Sharpless, sobre, profond et modéré, avec un remarquable rendu de la palette émotionnelle de cet aimable personnage. Et Okka von der Damerau campe une solide Suzuki en bonne intelligence vocale avec Svetla Vassileva.


Un détail amusant, aux applaudissements, nombreux et nourris, un Roberto Alagna, triomphant, enthousiaste et sympathique, a passé un bras, sans doute copain ou protecteur, autour des épaules d'une Vassileva qui a, en souriant, remis fermement ce bras à sa place. Peut-être pour souligner qu'une fois le rideau retombé sur le drame du machisme, on en était revenu à la société du féminisme et de l'égalité des droits? Ce qu'une nouvelle mise en scène pourrait peut-être accentuer?


Somme toute une fort bonne soirée, qui donne l'occasion d'applaudir un des meilleurs orchestres d'opéra au monde et de faire l'expérience d'un des meilleurs ténors de la scène internationale.


Agenda


Encore deux représentations, le 25 février et le 1 mars. Il reste des places d'écoute pour la première, et quelques bonnes places pour la seconde. 


Réservations: cliquer ici puis sur la date souhaitée

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