Les deux chanteurs se connaissent depuis longtemps. En 2016 déjà, ils interprétaient Rinaldo et Almirena en version de concert à la Monnaie de Bruxelles et au Théâtre des Champs-Élysées dans le Rinaldo de Haendel. En 2020, ils avaient brillé lors du premier Festival Bayreuth Baroque en Adalgiso et Gildippe dans Carlo il Calvo de Nicola Antonio Porpora. En 2024, ils interprétaient à Versailles Acis et Galatée dans le Polifemo du même compositeur. Trois exemples parmi tant d'autres qui leur ont constitué un bagage solide pour leurs retrouvailles bayreuthoises.
L'orchestre baroque versaillais de 19 interprètes s'est installé sur la scène qui a gardé comme écrin le décor de palais vénitien conçu par Helmut Stürmer pour le Pompeo Magno de Cavalli. Le violoniste Stefan Plewniak anime le spectacle avec un art de la mise en scène consommé. Avec ses longs cheveux aux mèches virevoltantes, sa stature imposante revêtue d'une longue redingote de satin noir, il dirige l'orchestre avec des mouvements emphatiques de la main, du bras et de tout le corps même, et donne une interprétation débordante de passion et d'énergie du parcours musical de la soirée. Le dialogue de deux violons qui s'expriment dans une espèce de danse est un moment aussi captivant que ravissant.
La soirée enfile des perles musicales sur le somptueux collier des arias da capo virtuoses de l'opera seria, des arias qui, dans leur troisième mouvement, lors du retour final du thème principal, laissent aux chanteurs une grande liberté de vocalises et d'ornementations. Le menu du jour est impressionnant avec ses arias passionnés qui partent en fusées, ses vocalises haut perchées, la virtuosité et l'exubérance sonore de l'orchestre et des chanteurs. Au compteur du nombre de notes c'est Porpora qui l'emporte sur Haendel. On se souviendra que Porpora, en dehors de son travail de compositeur, était également connu comme un professeur de chant redouté qui, bien qu’ayant tendance à maltraiter ses élèves, savait les mettre en valeur. Parmi ses élèves figuraient des castrats de grand renom, dont certains sont encore célèbres aujourd'hui, tels que Farinelli, Caffarelli et Antonio Uberti, qui adopta le nom de scène Porporino en hommage à son professeur. La musique de Porpora était extrêmement populaire auprès des chanteurs de son époque ; en tant que professeur de chant et expert en voix, il s'adaptait aux qualités spécifiques de chaque ensemble dans ses opéras, flattant les voix des chanteurs et poussant leurs capacités vocales à leurs limites.
Des applaudissements nourris, des cris et des bravos sonores, une standing ovation suivis de rappels sont venus saluer cet excellent orchestre, son violoniste magicien et ces deux merveilleux chanteurs.
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