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mardi 24 novembre 2020

Princesse Louise de Saxe (2) : la vérité sur la disparition de Jean Orth

Le 25 août 1911, le quotidien parisien Le Matin annonçait la publication en feuilleton les mémoires de Louise de Saxe. Le premier chapitre, où il est aussi question de l'impératrice Elisabeth parut le 2 septembre (voir le post). Le chapitre 14 et le début du chapitre XV évoquent les convictions de la princesse de Saxe sur la disparition de Jean Orth.

Le Matin du 17 septembre 1911

LA VÉRITÉ SUR LA DISPARITION DE JEAN ORTH

Mon oncle Jean, plus connu sous le nom de Jean Orth est une figure très curieuse et auréolée de mystère. Je dis "est", car je suis convaincue qu'il vit ensore et n'attend que la mort de l'empereur pour revenir en Autriche. Princesse Louise de Saxe.


 CHAPITRE XIV 

L'histoire de Jean Orth

    Mon oncle Jean, plus connu sous le nom de Jean Orth, est une figure très curieuse et auréolée de mystère. Je dis « est » car je suis convaincue qu'il vit encore et n'attend que la mort de l'empereur pour revenir en Autriche. Comme mon père, son aîné, mon oncle Jean était un musicien très doué et un homme paré de qualités et de toutes sortes de talents. Il était de taille moyenne, avec des cheveux bruns et des yeux bleus, et beaucoup de charme. Il venait souvent nous voir à Salzbourg et nous nous entendions admirablement il voulait même obtenir du Vatican la permission de m'épouser, car il me considérait, à tort ou à raison, comme la femme de ses rêves mais même si l'Eglise avait autorisé comme elle le fait parfois ce mariage entre oncle et nièce, moi, je n'y aurais jamais consenti à mes yeux, l'oncle Jean était simplement un parent charmant qui comprenait mon caractère aussi bien que papa.. On a fait les suppositions les plus extraordinaires au sujet de la disparition de l'archiduc. On a dit qu'il avait été impliqué dans la tragédie de Meyerling et avait dû, en conséquence, renoncer à son titre et à sa fortune et quitter sa terre natale. Ceci est absolument faux. C'est à une blessure d'amour-propre et à son horreur de la contradiction qu'il faut attribuer le départ mystérieux de Jean Orth. J'espère qu'on ajoutera foi à une déclaration venant de sa nièce, au risque de détruire les hypothèses moins romanesques dont on a toujours entouré sa disparition.
    Mon oncle, que le maréchal voir Moltke considérait comme l'un des stratégistes les plus accomplis d'Europe, occupait une place prépondérante dans l'armée autrichienne : il commandait aux forces de Bosnie et d'Herzégovine. Ami du progrès, il tenta de réformer l'armée et obtint de l'empereur l'autorisation de préparer un plan de réorganisation. Ce plan obtint l'approbation impériale, et Sa Majesté lui demanda alors d'écrire une sorte de « manifeste » dans lequel il exposerait les principales réformes projetées. Ce document fut envoyé à tous les généraux et officiers principaux mais mon oncle avait compté sans le général commandant en chef, l'archiduc Albert, l'un des vétérans de 1866. Celui-ci se montra très offensé et fit tellement d'histoires que l'empereur, qui a horreur des discussions, envoya chercher Jean et lui dit de soumettre tous ses plans à l'archiduc Albert. L'oncle fou de rage et de mortification, fit un appel à l'armée, demandant qu'on décidât entre ses mérites respectifs et ceux d' Albert. Cette audacieuse démarche mit l'empereur hors de lui et il ordonna à mon oncle de faire des excuscs au commandant en chef.

Scène tragique

    Une scène violente eut lieu entre François-Joseph et l'archiduc rebelle, qui déclara qu'il aimerait mieux quitter l'armée et la cour que de se laisser ainsi donner des ordres. Il conclut en déclarant que cela lui était bien égal d'être ou non un membre de la maison impériale. Un orage suivit cette déclaration d'apostasie et mon oncle, en un moment de fureur, enleva de son cou les insignes de l'ordre de la Toison d'or et les jeta aux pieds de l'empereur. Après cette insulte impardonnable, l'archiduc écrivit à l'empereur pour lui dire qu'il quittait l'Autriche pour toujours, qu'il renonçait à ses titres et dignités et qu'il désirait dorénavant être connu sous le nom de Jean Orth. François-Joseph lui répondit qu'il pouvait adopter le nom qui lui plairait, mais que s'il essayait jamais de revenir en Autriche, il le ferait arrêter à la frontière.
    Mon oncle alla immédiatement voir grand'mère qui vivait près de Gmünden, mais il n'eut pas le courage de lui dire adieu de vive voix et il lui expliqua toute l'affaire dans une lettre qui lui fut remise plus tard. Il vint ensuite à Salzbourg et nous écoutâmes avee grand intérêt ses confidences et surtout ses projets d'avenir. Jean Orth déclara avec fierté qu'il allait enfin vivre sa vie : il désirait devenir capitaine dans !a marine marchande et il allait sur-le-champ faire les études nécessaires. Après ces déclarations officielles, il nous prit à part, Léopold et moi, et nous fit des confidences particulières.

Suprême adieu

    Il nous regarda avec tendresse, car nous étions près de pleurer à l'idée de perdre un parent si brillant et si bon, et nous dit avec une gravité calme : Je vais disparaître, mes chers enfants, et je disparaîtrai avec tant de soin que nul ne pourra retrouver ma trace. Une fois l'empereur mort, je reviendrai, car alors l'Autriche aura besoin de moi.
    Comme je voudrais, Louise, et vous aussi Léopold, vous emmener avec moi ; nous pourrions tous trois vivre la vie pour laquelle nous sommes nés. Mais cela ne se peut, et il nous faut nous dire adieu. Vous avez tous deux, comme moi, une forte personnalité, et, comme moi, vous serez les artisans de vos destinées. Mais nous deviendrons des forces qui se feront sentir un jour ou l'autre. Qu'il est étrange, continua-t-il, perdu dans ses pensées, que notre maison, harassée et alourdie par les conventions et les traditions, ait produit des êtres tels que nous. Ce doit être la révolte de l'âme contre les barrières des prisons mondaines. Ne croyez jamais que je suis mort, car un jour je reviendrai. Nous nous reverrons et nous nous reparlerons de toutes ces choses. Ce furent là les dernières paroles de mon oncle. Il quitta Salzbourg et nous apprîmes quelque temps après qu'il s'était marié, puis qu'il avait acheté un vaisseau à voiles appelé la Margherita. L'équipage était composé d'Italiens et de Croates, tous hommes de confiance et marins sûrs, et mon oncle lui-même prit le commandement du navire.
    Il arriva à la Plata et après un séjour de plusieurs semaines, mit à la voile pour Valparaiso. Avant de quitter la Plata, il changera d'équipage, et depuis ce jour, Jean Orth, son navire et son équipage ont entièrement disparu. La Margherita n'entra jamais à Valparaiso et si elle arriva à un autre port, ce fut sous un autre nom.
    Le second du navire vint un jouer à Salzbourg tout exprès pour dire a mon père que Jean Orth vivait et qu'il n'était jamais allé à Valparaiso. Il décrivit comment l'ancien équipage vit le vaisseau disparaître dans les brouillards du soir ; la personne qui, enveloppée d'un, grand manteau, se tenait debout sur le pont, n'était certainement pas Jean Orth, mais un homme de sa taille et habillé comme lui. L'équipage retourna à Trieste convaincu que son ancien capitaine n'avait jamais, comme on l'a dit, péri en mer avec son navire. 

Le Matin du 18 septembre 1911

CHAPITRE XV (première partie)
La dynastie des Habsbourg 

    Nous n'entendîmes plus jamais parler de lui [il s'agit de Jean Orth], mais un M. Renaux, qui avait vécu dans la République argentine, déclara avoir vu Jean Orth à la Plata et l'avoir rencontré deux fois, à Buenos Aires et à Rio Quarto. M. Renaux rentra en France en 1893, convaincu que mon oncle était encore vivant. Quelque chose me dit, à moi aussi, que l'océan n'a point été sa tombe, et ses dernières paroles, « Je reviendrai», résonnent encore à mon oreille. A diverses reprises, des imposteurs ont tenté de se faire passer pour l'archiduc disparu ; grand'mère envoya même une grosse somme d'argent à l'un d'eux. Elle montra à papa des lettres qui semblaient écrites de la main de mon oncle Jean,  mais la police, prévenue, arrêta l'homme en question : c'était un criminel dangereux, recherché depuis des années.
    On a prétendu à tort que l'archiduc avait de l'argent déposé dans les banques suisses. Toutes ses valeurs étaient déposées dans des maisons de Paris, de Vienne et de Londres. Il ne les retira jamais et les intérêts ont dû s'accumuler d'une façon énorme. Papa était convaincu jusqu'au jour de sa mort que son frère vivait, et comme le temps perce tous les mystères, la mort de l'empereur révélera probablement la vérité. L'Autriche aura alors besoin des services de Jean Orth, au milieu des complications internationales qui sans doute surgiront.


Princesse Louise de Saxe.

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ISBN : 9782322208371

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