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dimanche 15 novembre 2020

Bayreuth et l'homosexualité, un article de Henry Gauthier-Villars et sa discussion.

 

Henry Gauthier-Villars dessiné 
(Revue blanche du 15 mars 1896)
La Revue blanche publia sur trois numéros du premier semestre 1896 un article dans lequel Henry Gauthier-Villars (dit Willy, qui fut aussi le mari de Colette) réagit à la publication d'un article d'Oskar Panizza (1) intitulé  Bayreuth und Homosexualität dans la revue littéraire Gesellschaft (2). Le numéro suivant publie un courrier de lecteur réagissant, en faisant preuve d'une érudition raffinée, à la critique de Henry Gauthier-Villars, et ce dernier répond à fleurets mouchetés dans ses Notules wagnériennes du numéro suivant. Une bataille d'idées en quatre épisodes : Panizza, Gauthier-Villars, Un lecteur, Gauthier-Villars , dans laquelle le très wagnérien Willy bottera la dernière touche. A déguster en prenant son temps...

(1) Médecin aliéniste et écrivain allemand (1853-1921)

(2) Importante revue littéraire naturaliste allemande, fondée par Michael Georg Conrad (1885-1902).

*****
Bayreuth et l'homosexualité 
[in La revue blanche du 15 mars 1896]

Sous ce titre, M. Oscar Panizza écrit, dans Die Gesellschaft, XI Jahrgang, Heft I (Verlag v. Wilhelm Friedrich, Leipzig) : 

" Dans un journal allemand fort répandu, on pouvait, récemment, lire l'annonce suivante : On demande jeune bicycliste protestant, très bonne famille, pour faire, avec un compagnon (étranger), belle excursion Tyrol. Conditions requises : extérieur agréable, manières distinguées, caractère enthousiaste. Ecrire NUMA, poste restante, Bayreuth. Joindre photographie qui sera retournée

" Le significatif de cette insertion, c'est que l'éphèbe qui cherche à nouer connaissance avec un autre adolescent " enthousiaste " se fait adresser ses lettres au pseudonyme Numa, celui dont furent signés bon nombre d'ouvrages écrits par le défenseur allemand de l'amour-pédérastie. C.-H. Ulrichs ; l'intention de l'annonce apparaît donc nettement ; elle acquiert une saveur particulière grâce au mot Bayreuth. Or, au moment où parut cet entrefilet, on allait, à Wagneropolis, jouer Parsifal. Donc ... 

" Cette conclusion, que Parsifal pût être un régal de pédérastes, me révolta tout d'abord, tant l'oeuvre de Wagner est noble et pleine des plus hautes aspirations. Par malheur, il faut bien reconnaître que la noblesse des sentiments, la discussion philosophique des grands problèmes de l'humanité, la compassion, la vision sentimentale de l'univers sont précisément des traits caractéristiques des abstentionnistes de la race psycho-érotique. Parsifal, le chaste héros de l'oeuvre dernière conçue par Richard Wagner, ne connaît pas l'impulsion sensuelle ; l'inclination amoureuse lui manque. Du caractère historico-poétique de Parsital tel que l'avait conçu Wolfram von Eschenbach, Wagner vieillissant a effacé tous les épisodes ayant trait à l'amour, si bien que le développement du héros dans le drame est purement psychique et supra-sensuel. Les tentatives de séduction des filles-fleurs dans le jardin enchanté de Klingsor le laissent indifférent. Cela suffit pour nous renseigner. Il est par le fait, nolens volens, porté aux relations masculines. Sa destinée est de délivrer d'autres... hommes. La source de cette passion libératrice est la compassion, la pitié, toutes qualités qualifiées de « pures » ou de « très pures », c'est-à-dire sans mélange sensuel, bref, toute la gamme sublime de sentiments que nous trouvons immanquablement dans les affections sexuelles morbides. 

" Ne vous récriez pas, wagnériens, et examinez la chose de près. Dans Parsifal, le héros et les chevaliers du Graal sont conçus de façon absolument unisexuelle. Ils sont frères. De plus, Parsifal délivre et guérit un vieillard (Amfortas) dégoûté du monde. C'est par son éloignement pour les femmes que le jeune homme possède cette puissance libératrice (on sait que les partisans de l'homosexualité se sentent offensés si leurs jeunes protégés viennent à se divertir avec des femmes et qu'il n'est pas pour eux de plus sanglant affront). Parsifal délivre donc Amfortas de ses souffrances et avec lui toute la confrérie da Graal : par là, il se délivre enfin lui-même des liens sensuels du monde et devient roi du Graal, „ Erloesung dem Erloeser " ! 

" Inutile d'insister davantage. Il est certain que Wagner, dans cette œuvre de sa vieillesse, a caractérisé ses relations avec l'humanité comme celles du jeune Parsifal avec la chevalerie du Graal. Les wagnériens en font autant. Le génial compositeur avec rage était devenu pédéraste (intellectuellement parlant), de même que Schopenhauer dont on connaît le trop fameux appendice à la Métaphysique de l'amour sexuel. 

" Pour éviter tout malentendu, j'insiste sur ce point que cette tendance doit être considérée ici d'un point de vue purement psychologique comme une liaison sentimentale et suprahumaine qui trouve sa satisfaction complète dans les sensations de la vue et de l'ouïe, en même temps que dans l'éloignement pour la femme. Louis II de Bavière, que charmaient surtout les sonorités, est un exemple remarquable de ces relations d'homosexualité intellectuelle... » 

Réponse 

Donc, le Panizza se pavane, stupidement fier d'étaler quelques termes scientifiques piqués à l'hasard de la plume dans les brochures obscéno-médicales du charlatan Krafft-Ebing. Puschmann (1) redivivus, il déclare, pour ameuter les badauds, que Wagner fut un pédéraste intellectuel ; Oscar ! Oscar ! 

Ses commentaires sur Parsifal, d'un humour lourdement viennois, je n'en sais pas d'aussi niais, sauf ceux d'Entartung. (Le joli mot de Veuillot : « Rien ne va si profond dans l'absurde qu'un sot enflammé qui creuse sur lui-même », touche, plus encore que les Français, les glossateurs d'Allemagne). Ou ce Saumaise à la manque voit-il que Parsifal reste indifférent aux Filles-Fleurs ? Jam. de la v. ! Il risque des compliments : « nenn ich euch schoen, dünkt euch das recht ? »; se déclare prêt aux petits jeux : « das thu' ich gern. » ; sans l'arrivée de Kundry je crois que l'aimable puceau se décoquebinerait — net. 

D'ailleurs, il est très possible qu'entre le IIe et IIIe acte, Parsifal se soit marié ; les détails de sa vie privée ne regardent le drame d'aucune façon et, la simplification étant une loi absolue pour le Wort-Tondrama (Cf. Chamberlain), ils ne pouvaient y trouver place. Et puis, quoi ? Tout personnage tragique est donc forcé de s'encombrer d'une femme sous peine de pencher vers l'homosexualité ? Rienzi, par exemple ? ou le Hollandais volant? - pour ce qu'il fait de sa Senta ! - Que diable, après avoir écrit die Feen, das Liebesverbot (2), die Sarazenin, Tannhaeuser, Lohengrin, Tristan, die Meistersinger, der Ring, Wieland der Schmidt, tous drames d'amour, Wagner avait bien le droit de ne pas remâcher encore de l'érotisme dans Parsifal sans être soupçonné de « pédérastie intellectuelle ». N'en déplaise à Panizza, c'est le héros de Wolfram d'Eschenbach qui donne prise au soupçon, non celui de Wagner, convulsé par le premier baiser de femme qu'il reçoit, comme doit l'être tout homme doué d'une intelligence vraiment créatrice, partant d'une sensualité violente, à l'heure de la dévirginisation (3). Parzival, lui, passe plusieurs nuits près de la belle Kondwiramur (chant IV) sans la posséder : 

So maessig hielt er sich die Nacht,
Es wurd ihm sicherlich verdacht 
Bei mancher Frau in unser Zeit. 
                                                                    (221-223)

Et cet autre qui s'en va reprocher ä Wagner d'avoir effacé les épisodes amoureux du vieux poème ! Il aurait peut-être souhaité qu'on lui montrât sur la scène cette Maessigkeit nocturne? Voyeur, va ! Pour moi, à ce Parzival temporisateur, je préfère Parsifal, un gars, et qui fut papa de Lohengrin. 

Reste la question de fait : les bayreuthiens méprisent-ils la Femme ? Wagner est hors de cause, lui dont tant d'aventures juponnières ont compliqué la vie, lui qui, presque sexagenaire, s'amusait encore à faire des enfants... ah! si j'avais l'indiscrétion de conter qu'il fut aperçu dans les coulisses du théâtre de Bayreuth en train d'embrasser une Fille-Fleur, goulûment, en 1882 !

Quant aux autres : Kniese dote sa femme d'un Baby tous les dix mois ! Mottl a dû se marier par ordre de la Faculté qui le voyait s'esquinter avec mille et trois maîtresses ; Hermann Levi se fait servir par les plus jolies bobonnes de Munich, etc... 

J'allais oublier Louis II, onaniste effréné, mais point du tout pédéraste, et qui, bien loin d'être accessible aux seules sensations auditives, comme le croit ce Panizza bâté, vivait, pour ainsi dire, par les yeux. Je n'en veux d'autre preuve que son engouement maladif pour les palais, pour les tableaux, pour tout ce qui est spectacle : dans les pièces de Wagner même, le décor l'impressionnait plus violemment que la musique. Aussi dépensait-il moins pour monter les drames du Maître que pour se faire représenter Urvasi de Kalidasa, et même cette Théodora de Sardou... 

Donc Oscar Panizza ne sait ce qu'il dit. C. Q. F. D.

 HENRY GAUTHIER-VILLARS


(1) Il y a quelque vingt ans, ce docteur Puschmann, — une des plus complètes nullités qu'ait produites le Saint- Empire allemand, — constatant que pas un malade ne serait assez fou pour lui confier sa peau, s'avisa de publier une brochure où il expliquait que Wagner souffrait d'un ramollissement cérébral. Réfutations, contre-ripostes, [illisible] colossal. Célèbre du coup, mon Puschmann obtint une chaire d'Histoire de la médecine. Depuis, il est devenu wagnérien, sans cesser d'être idiot. N'empêchie que son renom et sa chaire sortent de cette brochure pétardière. Pareille fortune a dû tenter Panizza.

(2) De Défense d'aimer, on lira peut-être avec curiosité ce passage, inédit, où, par la bouche d'Isabella, le poète parle : 

O wie so oede das Leben bliebe, gäb' es nicht Lieb' und Liebeslust! 
Dem Weib gab Schönheit die Natur, dem Manne Kraft sie zu genießen, 
und nur ein Tor, ein Heuchler nur sucht sich der Liebe zu verschließen. 
O öffne der Erdenliebe dein Herz — löse durch Gnade meinen Schmerz! 

(3) Ce bon chevalier de Faublas lui-même, qui certes n'avait pas l'étoffe d'un Parsifal, raconte qu'il se défendit des baisers de sa comtesse et pensa de mourir de douleur dans les bras de la belle. 

*****
Bayreuth et l'homosexualité
RÉPONSE À M. HENRY GAUTHIER-VILLARS (1) 
[in la Revue blanche du 1er avril 1896]

Du fait d'une annonce ambiguë suivie de la mention « Répondre Poste Restante Bayreuth », induire que Parsifal soit « un régal de pédérastes », j'en tombe d'accord avec vous, Monsieur, cela est ridicule. Je crains pourtant que vous disposiez un peu sommairement des idées fort intéressantes que fait suivre M. Panizza. Elles me paraissent insuffisamment appréciées et elles méritent mieux. Le sérieux germanique, sa lourdeur même, donnent, ne pensez-vous pas, une impression rafraîchissante parfois a côté du bric-à-brac de blague et de paradoxe, si vulgaire en somme, qui compose l'esprit français et l'attitude ordinaire de nos talents. Et vous, Monsieur, dont la fantaisie a des ailes, dont la fumisterie informée trahit souvent une vibration sincère et communicative devant le chef-d'oeuvre, vous ne sauriez en vouloir à personne d'élever ce débat. 

Il me semble se réduire à ceci :

Richard Wagner, comme la plupart des génies, a eu la divination d'une loi d'amour supérieure aux accidents du sexe et aux besognes de la reproduction. C'est de cet amour-là que rêva la veille harmonieuse du banquet, c'est de cet amour qu'est éloquent le sourire du Saint Jean-Baptiste de Léonard. Vous souvenez-vous que Dante rencontra au septième cercle de l'Inferno, parmi le tourbillon éternel qui roulait les sodomites, son maître Brunetto Latini? - II lui parla quelque temps et, en le voyant disparaître avec les autres ombres savantes, « Letterati grandi di gran fama », il pense aux coureurs dans la plaine de Vérone et, l'oeil fixe sur son maître, murmure ces paroles mystérieuses : 
      " ... e parve di costovo 
       Quegli che vince et non colui che perde"

Et, trois cents ans plus tard, dans l'île brumeuse, s'éleva la plus haute voix peut-être qui ait retenti sur la terre : elle disait des sonnets d'un charme étrange, sonnets d'amour qu'une femme n'avait pas inspirés, échos de I'Idylle antique, attristés d'une passion moins sereine sous les cieux inquiets du XVIe siècle. Je nommerai seulement César, Virgile, l'empereur Hadrien, Michel-Ange, Frédéric II, ces sommets de la pensée et de l'action humaine touchés par les rayons d'un astre qui n'est pas encore levé ; je rappellerai seulement de nos jours Théophile Gautier, Swinburne, Verlaine (2) et Walt Whitman, — tous fervents de la Beauté ou forces d'aimer inquiètes des colliers de l'Espèce - (je parle bien entendu au pont de vue psychique) - , et j'en viendrai à Wagner même. Ce que dit M. Panizza des tendances de Parsifal me paraît contenir quelques idées justes. II écrit : « Le génial compositeur, avec l'Age, était devenu pédéraste (intellectuellement parlant) comme Schopenhauer, dont on connaît le trop fameux appendice à la Métaphysique de l'Amour sexuel ».  J'ajouterai que dans tout oeuvre de Wagner règne une sorte d anomalie dans le rapport des sexes. Vous citez vous-même Rienzi et le Hollandais chez lesquels la préoccupation féminine est absente. - En outre, notez que, dans le théâtre wagnérien, ce sont presque toujours les femmes qui font les avances. - Vous conviendrez que Tannhaeuser et Lohengrin, comme Parsifal, se font beaucoup prier et que, dans Tristan, l'homme c'est plutôt Isolde. La femme n'est souvent pour Wagner que l'enveloppe d'une abstraction : Senta, le sacrifice ; Brunehilde, la volonté de Wotan. La seule vraie femme est cette exquise Eva des Meistersinger, où le drame, une fois encore, est au-dessus d'elle, puisque l'oeuvre a pour intérêt et pour couronnement le triomphe de Sachs et de Walter, du génie compréhensif et du libre génie. 

Je reviens à Tristan, que naturellement vous m'opposez comme le plus fervent et terrible poème d'amour qui ait jamais été inventé. Je suis mille fois de votre avis, mais en vérité, qu'y trouvez-vous de normal, dans cet amour fatal que seule peut combler la mort et qui va directement contre l'éternel vouloir continuateur de la Nature? C'est la Mort demandée au geste de Vie, le désir portant sa fin en soi-même, et qui ne pourrait que se diminuer en procréant. « Au Parzival temporisateur » de la légende, vous préférez « Parsifal, un gars, et qui fut papa de Lohengrin » - Je vous défie de me dire que vous aimeriez mieux fécond le grand baiser nocturne du héros de Cornouaille et de sa magicienne d'Irlande. Donc cet extrême amour humain, qui a le goût de la Mort, et que l'Art a paré de ses plus éblouissants prestiges, est essentiellement antiphysique au sens étymologique du met. A certaines hauteurs tout se rejoint.
C'est l'obscur instinct qui pressait contre leurs femelles nos ancêtres velus des cavernes, dont le génie humain a fait la magnifique et mortelle frénésie de Tristan et Yseult. Pourquoi vouloir que l'évolution ait touché son terme et quelle audace y a-t-il à songer à un amour futur aussi différent de l'amour dans l'immortelle légende que celui-ci des copulations primitives au bord des flots quaternaires?

Comme son âme, la physiologie de l'homme a des mystères. La spécialisation des fonctions est la règle dans l'évolution des êtres et elle n'est pas complète chez les mammifères supérieurs. L'Uebermensch de Nietzsche sera-t-il un anthropoïde chez qui les fonctions de l'Amour seront confiées à des organes que nul cumul ne dégraderait ? Ne vous récriez pas au nom du sens commun : le champ des hypothèses est immense et celui de notre expérience infiniment borné. - Renan, dans ses Dialogues philosophiques, a eu la conception d'une race élue dont, par hyperculture des organes de pensée au détriment des autres, l'humanité se ferait un cerveau lumineux propre à rêver, j'imagine, de tels destins que la notion même en éblouit. 

Excusez cette diversion, Monsieur, et revenons à Wagner. Avez-vous lu ses lettres à Madame Wille, au moment de la première rencontre avec Louis de Bavière? IL s'y trouve des phrases comme celle-ci : " L'Amour du roi pourra-t-il me dé-tourner du Féminin ?... Il est si beau.. . etc. ". L'admiration la plus hyperbolique à côté de l'affection la plus adorante. Du reste, je ne vois aucunement pourquoi cette façon de sentir l'eût empêché d'embrasser les Blumenmaedchen à Bayreuth, en 1882, comme vous le rapportez. Une conception haute et ardente de la Beauté justifie tout. Quant à Louis II, il n'est de doute pour personne qu'il n'ait, lui, dépassé le platonisme dans ses amitiés. Les détails sont partout : il me déplaît de les mêler à une discussion que je préfère maintenir dans l'ordre des Idées. 

Il est probable que l'Amour, après avoir rempli sa tache utilitaire de peupler le monde, s'affinera dans le repos, et, sa besogne faite, arrivera à une conscience plus large de soi-même. De plus, un danger terrible sera dès lors imminent, l'encombrement de la planète. Le Progrès, avec l'adoucissement des moeurs, la disparition des guerres et des grands fléaux, nous mène droit au jour redoutable où l'homme verra l'homme d'un air plein de meurtre lui disputer l'air et le pain, où notre race grouillera coude à coude sur la glèbe épuisée. La statistique demande moins de deux siècles pour ce résultat. Alors une autre nécessité créera une autre morale, ainsi que l'histoire des sociétés témoigne qui il en a toujours été. Un jour arrivera où l'enfant dans les bras maternels, symbole sacré de la Vie renouvelée, sera un signe effroyable et maudit. 

Quelle sera l'Ethique nouvelle dont nous honorons le pressentiment (3). Je ne sais. 

Il semble que, nous venons de le dire, quelques lambeaux du secret aient été révélés aux génies, à ces héros dont, selon Carlyle, la réalisation est le but de l'humanité, et à qui il est juste que soient conférées les intuitions grandioses de l'Avenir et de la Destinée. 

Il est d'autres êtres, ébauchés incertains ou hésita le Démiurge, qui vont de l'exquis à l'abject, déconcertent le jugement par la grâce de leurs dons ou l'ignominie de leur bassesse, parfois par l'une et l'autre, essais mal pondérés, homunculi fantasques, charmants et grotesques jeux des chimies de l'hérédité. 

Tous, génies, talents, et cette plèbe, sont les levains divers que dans toutes les couches de l'humanité, de la haute intellectualité à l'instinct aveugle, suscitera l'Idéal prochain. Le temps est riche de toute heure et, comme dit Hamlet : " Il y a plus de choses sur la terre et dans le ciel, Horatio, que n'en ont rêvées nos philosophies. »

 UN LECTEUR 

(1) L'article de M. Henry Gauthier-Villars a paru, sous ce même titre, dans La revue blanche du 15 mars 1896.

(2) M. Paterne Berrichon prétendait ici-même, il y a un mois et demi absoudre Verlaine d'imputations socratiques justifiées par toute l'existence et tout l'oeuvre du poète. Il est, en vérité, certains vers de Parallèlement après lesquels le doute n'est plus possible et dont la perfection même garantit la sincérité. Il me paraît préférable de voir Verlaine convaincu de moeurs rares, surtout s'il en a tiré de la Beauté, que du méprisable cabotinage que supposerait l'artifice en telle matière. 

(3) " Allons à Bayreuth sur la tombe de Wagner honorer les pressentiments d'une Ethique nouvelle. "  MAURICE BARRÈS

*****
Notules wagnériennes (1)

Sous le prétexte, si vain, d'élucider cette question de psychopathie sexuelle que vous savez, voici qu' " Un lecteur ", érudit et spirituel, ma foi, un tantinet précieux aussi, cite Platon,  la Divine Comédie, les sonnets adressés par Shakespeare soit à Mary -

      The expense of spirit in a waste of shame. 
      In lust in action -

soit au Earl of Pembroke pour l'engager à prendre femme et procréer (vrai, je croyais abandonnée cette théorie du grand Will P. D. !) ; il m'oppose Théophile Gautier, sensuel et polygame s'il en fut, rappelle la conception renanienne, doucement gâteuse, de mégalencéphales élus adonnés à l'exclusive hyperculture des organes de pensée, ratiocine sur l'Uehermensch, pose, expose, suppose... - Avocat, il s'agit d'un chapon, je veux dire d'un Panizza, assez estropié du cerveau pour vouloir immatriculer Wagner dans l'armée des homosexuels. Cette opinion comique, vous n'êtes pas si loin de la partager. niais, de jugement trop net pour ne pas voir le fragile des affirmations de la Gesellschaft, vous proposez cet étai : de prétendus aveux de Wagner. 

Et vous m'interrogez : 

Avez-vous lu ses lettres de Wagner à Madame Wille, au moment de la première rencontre avec Louis de Bavière ? Il s'y trouve des phrases comme celle-ci : 
" L'amour du Roi pourra-t-il me détourner du Féminin ? etc. " 

Oui, Lecteur, j'ai lu ces lettres ; mais, vous, vous ne les lûtes point. Vous n'en connaissez que la version française, nauséeusement mensongère, où il vous plaît lever, non sans quelque volupté sourde, ces étranges dithyrambes sur " l'amour du roi ". Consultez le texte que la traduction encarnavale : Wagner, dans cette lettre, explique tous les ennuis que lui infligea sa femme, quittée, et il parle déjà d'une autre femme (l'incorrigible amant ! ). Prévoyant de nouveaux orages il se demande : « Pourrai-je renoncer à la femme? » Et, « avec un profond soupir », il répond : Non ! 

Quant à la phrase suspecte,  «  L'Amour du Roi pourra-t- il me détourner du Féminin? », elle n'existe nulle part. Wagner, - je vous vois sourire, car vous devinez mon embarras, et que je peine à vouloir prouver assez, sans bavarder trop, à propos de cette correspondance dont une discrétion, peut-être exagérée, a fait supprimer de significatives confidences (« les belles, toujours »), disant cet inextinguible besoin de la femme chez R. W., - Wagner, encore un coup, à peine échappé d' «   histoires de femmes » odieusement, compliquées, réfléchit qu'il serait plus sage, renonçant aux jupons, de s'esbaudir en compagnie de bons vivants. parmi lesquels Cornelius, ce boute-en-train... Louables résolutions! Mais autant en emporte le vent d'une robe qui passe! Quelques jours plus tard, il annonce l'arrivée de Mme de Bülow. 

Henry G.-V. 

(1) V. dan. La Revue blanche des 15 mars et 1er Avril 1896 les articles intitulés " Bayreuth et l'Homosexualité " : le premier, de M. Henry Gauthier-Villars : le second d'Un lecteur.

Invitation à la lecture

Sans doute, Wagner ne fut pas homosexuel, mais peut-être comprit-il le parti de la séduction qu'il exerçait sur le jeune roi Louis II de Bavière, qui, comme l'admettent la plupart des historiens contemporains, un homosexuel profondément malheureux torturé par une homophobie internalisée et par une conception absolutiste de la royauté qui l'empêchait de commercer d'égal à égal avec les hommes qui l'attiraient.

Cette homosexualité du roi a été perçue par nombre de poètes qui l'ont exprimée dans leurs écrits qui ont récemment été réunis dans un recueil : 

ISBN 232220837 
                            

Le roman d'un roi. Les troublantes amours de Louis II de Bavière
ISBN  9782322255139

C'est peut-être aussi l'homosexualité de Louis II de Bavière qui le conduit aux crises violentes que décrit Le roman d'un roi. Les troublantes amours de Louis II de Bavière, un roman à clé publié une première fois en 1887 et qui vient d'être redécouvert et réédité. Louis se montre incapable d'approcher le corps de la femme...



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